« Le Livre de la Nature »: Poèmes de jeunesse
26 novembre 2024
Le Prix Marcel Pagnol 2009 a été décerné à Agnès Desarthe pour son livre « Le Remplaçant » paru aux Editions de l’Olivier.
La remise du prix s’est déroulée le 4 Juin dans le salon Raimu du Fouquet’s, avec le soutient de Neuflize OBC, du groupe Fouquet’s Barrière et de Marcel Pagnol Communication.
Agnès Desarthe est née à Paris en 1966.
Considérant très tôt le français comme une langue étrangère – car chez elle on parle l’arabe, le russe et le Yiddish – elle tente de l’apprivoiser en écrivant des poèmes qui font pleurer sa mère, des histoires qui enorgueillissent son père.
Malgré une orthographe souvent défaillante, elle parvient à suivre des études de lettres, puis d’anglais.
La traduction est son premier métier. Les livres pour enfants viennent ensuite, les romans, les chansons, les scenarii, les pièces de théâtre. Arrivée à l’âge où l’on commence à fatiguer, elle mène ces diverses et trop nombreuses activités de front, ce qui la rend parfois folle.
Elle danse beaucoup, et jardine vigoureusement.
Jugée tantôt trop douce, tantôt trop cruelle, elle se verra jusqu’au bout comme une immigrée dans la république des lettres.
En écrivant, elle cherche à rendre compte du chaos qui la stupéfie, de la violence qui la cloue et l’empêcherait de se lever si elle ne trouvait pas moyen de l’utiliser, de la mater, de la transmettre.
Issue de la tradition orale, elle a entendu tant d’histoires qu’elle n’a finalement jamais eu d’autre choix que d’en raconter à son tour.
Elle souhaite, si les conditions le permettent, finir ses jours à la campagne.
Quand un vicomte rencontre un autre vicomte, qu’est-ce qu’y s’racontent? Des histoires de vicomtes » dit la chanson. La littérature clame l’inverse. Elle voudrait qu’aux vicomtes, on raconte des histoires de marins, aux mineurs des histoires de sages-femmes, aux fermières des histoires de ministres. L’éternelle question du sujet, celle à laquelle l’auteur cherche toujours à échapper, n’en finit pas de se poser.
Alors comment faire quand ce fameux sujet appartient au domaine de l’indicible?
Dans Le remplaçant, j’écris l’histoire de mon grand-père, qui ne devrait donc intéresser que mes proches. Je fais néanmoins le pari que quelque chose, dans son histoire mérite d’être entendu par un cercle plus large. Mon grand-père est un survivant de la Shoah. Né juif en 1911 dans une bourgade de Moldavie, il aurait dû, comme la plupart de ses voisins, de ses amis, de ses frères, être assassiné dans un camp d’extermination. Il a échappé à la catastrophe.
Mais peut-être devrais commencer par expliquer que mon grand-père, celui sur lequel j’écris, n’est pas le père de ma mère. C’est un grand-père de remplacement, l’homme avec qui ma grand-mère, la vraie, a choisi de vivre après la guerre, alors que son mari avait disparu à Auschwitz. Ainsi le récit s’infléchit-il dès le commencement. Pour parler de la Shoah, je choisis un personnage qui ne l’a pas subie. D’ailleurs cette expression, « parler de la Shoah » sonne creux et faux. Comment en parler, comment l’écrire? Le voilà le sujet impossible car ceux qui l’ont vécue en sont morts et ne sont donc plus là pour en parler ou pour en écouter le récit. Que deviennent les histoires de vicomtes une fois qu’on leur a coupé la tête?
Je plaisante et c’est exprès, car c’est un des seuls moyens que j’aie trouvé pour aborder les rivages les plus morbides. L’humour permet d’effectuer le détour nécessaire.
On a tendance à surestimer la faculté de compréhension, à penser que ce n’est qu’une question d’intelligence, mais, bien souvent c’est le surplus ou l’absence d’affect chez le lecteur qui détermine l’intelligibilité d’un texte.
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