Pièce de théâtre « Les Marchands de gloire » en livre

Présentation

Le décor représente la salle à manger d’Édouard Bachelet. C’est un petit fonctionnaire dans une préfecture de province. Au fond, entre deux portes-fenêtres, une haute pendule. À travers les vitres, on voit tomber la neige sur un petit jardin.

À gauche, un buffet Henri III ; à droite, une cheminée dans laquelle flambe un feu de bois. Au milieu de la pièce, une table carrée, couverte d’un tapis à longues franges. Autour de cette table, trois femmes.

Il y a Mme Bachelet, qui approche de la cinquantaine, sous des bandeaux gris. Sa poitrine est importante, ses bras sont charnus ; mais son visage est pâle et ses joues molles. Elle tricote.

À côté d’elle, Germaine, sa bru, qui est une belle jeune femme de vingt-cinq ans. C’est une brune assez grande, aux yeux vifs sous des sourcils brillants. Sur une petite balance de ménagère, elle pèse un colis enveloppé de toile grise.

Il y a aussi Yvonne, qui s’applique à écrire une adresse sur un carré de toile. Elle a dix-sept ans. C’est une brune, elle aussi, mais pâle et menue, avec des yeux trop grands.

Acte 1, scène 1

GERMAINE — Cent dix grammes de trop…

YVONNE — Ils ne vont pas faire une histoire pour cent grammes, quand on envoie un colis à un soldat qui est dans les tranchées.

GERMAINE — Ça dépend. La semaine dernière, la grosse blonde m’a expliqué que si tout le monde envoyait cent grammes de trop, il faudrait ajouter un wagon à chaque train.

YVONNE — Elle n’a peut-être personne au front.

GERMAINE — Son mari est boiteux.

YVONNE — Il a de la chance.