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Livre « Pirouettes »

La Plaine Saint-Michel est une grande place de Marseille. Le vent y souffle tiède, les…

"PIROUETTES" narre les audacieuses aventures amoureuses de Louis-Irénée Peluque.
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Présentation

La Plaine Saint-Michel est une grande place de Marseille. Le vent y souffle tiède, les bruits y sont gais, et le soleil y brille plus clair qu’en aucun endroit du monde.

Elle est entourée sur ses quatre faces par une double rangée de platanes. Entre ces deux lignes d’arbres s’allonge une allée de bitume ; de distance en distance, des bancs invitent le promeneur.

Cette allée limite une esplanade rectangulaire, peu ombragée par trois réverbères en fonte ; un grand bassin tout rond en relève la nudité, comme fait le nombril au milieu du ventre.

La Plaine a ses habitants. Ce sont trois marchandes de journaux, une vendeuse de brioches, deux petits cireurs de bottines et trois déménageurs, qui discutent au pied d’un platane. Il faut ajouter, pendant la saison chaude, un marchand de crème glacée à la désagréable trompette.

Je cite en dernier lieu l’établissement le plus considérable ; c’est un très vieux théâtre de marionnettes.

La barrière qui entoure les places est peu élevée ; on y voit s’appuyer le menton d’une foule de vieux messieurs qui ont le prétexte de surveiller leurs petits-enfants ; mais ils prennent un plaisir extrême quand on entend sonner les torgnoles sur les crânes de papier mâché.

Ce théâtre créa ma première pièce : Guignol amoureux. Le cinquième acte en était pathétique. Il me valut l’amitié trouble d’une petite fille de mon âge, qui s’appelait Berthe et mangeait des caramels mous.

Le matin, la Plaine est occupée par un marché aux légumes. Puis, des balayeurs nourris d’apéritifs poussent au ruisseau des verdures flétries. Sur les deux heures, des nourrices y viennent mûrir au soleil.

Ces femmes méga-mammées causent entre elles dans la langue de Silvio Pellico. Elles parlent de leur mari, qui fume sa pipe à Ospedaletta ou à Matta-Buluffo : il se repose de leur avoir donné du lait. Jusqu’au soir, avec des aiguilles brillantes, elles tricotent de longues choses qui traînent par terre.

Cependant, au creux blanc des voitures légères s’endorment des enfantelets ; ils sommeillent en faisant de petites grimaces, à cause des mouches qui viennent se poser sur leurs lèvres, comme autrefois les abeilles sur la bouche du divin Platon.

C’est sur la Plaine Saint-Michel que j’ai passé les plus beaux jours de ma jeunesse, en compagnie de Félix-Antoine Grasset, poète pessimiste, et de Louis-Irénée Peluque, que les gamins de la rue appelaient « l’Empereur », tandis que ses condisciples le nommaient couramment « le Philosophe ». Je les retrouvais chaque jour, à quatre heures, sur le banc qui se dresse en face de la rue Saint-Savournin ; c’est là que, durant plusieurs saisons, nous avons donné l’exemple d’une querelleuse, mais indéchirable amitié.

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