Hommage à Marcel Pagnol au Salon du livre de Boulogne-Billancourt
2 décembre 2024
Sommaire
Le petit-fils de Marcel Pagnol, Nicolas Pagnol, assure que son grand-père n’a pas voulu écrire la Provence, qui est seulement un théâtre, mais plutôt ce que vivent les êtres humains.
Nicolas Pagnol n’a pas connu son grand-père, décédé un an après sa naissance, mais il connaît ses pièces de théâtre, ses films, ses romans et ses correspondances sur le bout des doigts. Afin de s’assurer que l’artiste ne sombre pas dans l’oubli, il s’est fait le « passeur de mémoire » de la vie et l’oeuvre de Marcel Pagnol.
Ces jours-ci, le metteur en scène est fier de venir présenter aux Québécois la pièce Jules et Marcel, de Pierre Tré-Hardy, laquelle regroupe des extraits de la correspondance entre Marcel Pagnol (1895-1974) et Jules Muraire dit Raimu (1883-1946). Cette cinquantaine de lettres, qu’il a retrouvées chez sa grand-mère, Jacqueline Pagnol (1920-2016), immortalisée dans Manon des sources (1952), et fait paraître dans J’ai écrit le rôle de ta vie (Robert Laffont, 2015), retracent l’amitié entre ces deux géants du cinéma français.« Il y a énormément de finesse dans cette correspondance. J’ai été surpris de voir que mon grand-père y avait le même style littéraire que dans son oeuvre romanesque et que Raimu, qui est instinctif, sanguin, parfois ordurier, écrit pratiquement des dialogues. Ils s’insultent assez régulièrement dans la correspondance, c’était une amitié passionnelle », explique Nicolas Pagnol entre deux répétitions.Dans cette version écourtée et conçue pour le public québécois de la pièce créée en 2009 avec Philippe Caubère et le regretté Michel Galabru, ce sont Fred Achard et Christian Guérin, deux acteurs du sud de la France, qui incarnent le cinéaste et son acteur fétiche.« Marcel, c’est l’intellectuel qui a traduit Shakespeare, Virgile, Goethe ; Raimu, c’est le self-made-man, un comédien qui a un don pour comprendre les textes, mais qui écrit très mal. Ses lettres sont truffées de fautes d’orthographe ; j’en ai bavé pour les lire ! C’est incroyable de voir cette valse des sentiments entre ces deux-là, ces tractations perpétuelles qui nous expliquent comment ils ont travaillé ensemble. »
Sur scène, on retrouve aussi l’acteur Raymond Cloutier, à qui Nicolas Pagnol a confié le rôle du narrateur : « Je voulais que ce soit un Québécois qui prenne les Québécois par la main, leur raconte l’histoire de Pagnol, afin de créer une proximité avec le public. Avec Martin Leclerc et Isabelle Longnus, on a vraiment envie de travailler sur le catalogue de Marcel Pagnol au Québec sur le long terme. La pièce, la conférence qui suit la présentation de la pièce et la projection de Marius, mon film préféré, permettent d’entrer en immersion dans cet univers. »
Qui pense à Marcel Pagnol pense à l’accent marseillais, aux répliques lancées par Raimu et Fernandel, au soleil du Midi et au chant des cigales. Directeur de la Compagnie méditerranéenne de films, société fondée par son grand-père, Nicolas Pagnol, qui a fait restaurer la moitié des films écrits ou tournés par son aïeul, dont la trilogie Marius (Alexander Korda, 1931), Fanny (Yves Allégret, 1932) et César (Marcel Pagnol, 1936), souhaite rappeler le rôle de pionnier et de visionnaire qu’a joué ce dramaturge, cinéaste et romancier dans l’histoire de la culture française.
Certes, Marcel Pagnol s’est battu pour illustrer son coin de pays au cinéma, a su imposer ses acteurs — Bob Kane de la Paramount, producteur de Marius, ne voulait pas que Raimu incarne César dans ce film — mais son combat allait encore plus loin.
« La vraie bataille qu’il a menée, c’est pour imposer le cinéma parlant en France. En 1930, tout le monde pensait que ce n’était qu’une attraction, que c’était bon pour les fêtes foraines. Venant du théâtre, Marcel n’avait pas d’a priori de ce que devait être le cinéma. Il avait compris que c’était un formidable outil pour la diffusion, une nouvelle forme d’écriture. Et ça a été une guerre, notamment contre René Clair. »
En 1934, Marcel Pagnol fonde sa propre société de cinéma afin d’être totalement indépendant. Certains lui reprocheront d’ailleurs de s’enrichir : « Il a peut-être été le premier artiste français à casser le mythe du poète baudelairien incompris, pauvre et dépressif. C’est un poète heureux, solaire, à qui la vie sourit. Il va faire beaucoup d’argent, mais il ne fait pas de l’argent pour faire de l’argent, mais pour créer en toute liberté. Il ne veut pas faire des films, mais une oeuvre, et il est le maître incontesté de son oeuvre. »
Encore aujourd’hui, celui qui s’est battu pour l’exception culturelle française, a réalisé le premier film couleur en France (La belle meunière, 1948), a inspiré les néo-réalistes italiens et les jeunes loups de la Nouvelle Vague, et séduit les cinéphiles.
« Ce que Marcel a écrit, c’est ce que nous vivons en tant qu’êtres humains dans tous les coins du monde. Ce n’est pas la Provence qu’il a écrite, c’est l’être humain, ce qui nous rassemble et nous divise. La Provence, c’est le théâtre où tout cela se passe. Son oeuvre parle à tous les peuples, à toutes les générations. Ce qui le rapproche des Québécois, c’est qu’il y a chez lui, à l’instar de chez Michel Tremblay, la défense d’une culture, d’un territoire », croit Nicolas Pagnol.
26 octobre, Théâtre Outremont, Montréal. 28 octobre, Théâtre Petit Champlain, Québec. 29 octobre, Maison de la culture, Beloeil. 1er novembre, Théâtre Desjardins, LaSalle
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